Citation

"Grâce à la liberté dans les communications, des groupes d’hommes de même nature pourront se réunir et fonder des communautés. Les nations seront dépassées" - Friedrich Nietzsche (Fragments posthumes XIII-883)

Il était une fois..








Il était une fois une petite fille qui dormait sur le rivage de l'Atlantique à l'extrémité sud-ouest du continent européen lorsqu'elle disparut soudainement.
Mais comment ?

"Enlevée !" répétaient ses parents, et c'était la seule parole qu'ils supportaient d'entendre.

Grâce aux nouvelles technologies le monde entier apprit, en moins de temps qu'il n'en faut pour le dire, que cette petite fille s'était mystérieusement volatilisée. Sans laisser de trace. Les uns se demandaient comment on pouvait enlever un enfant au XXIè siècle dans un lieu si family friendly, peut-être même le plus sûr et le plus tranquille de la planète, les autres se demandaient si on ne leur racontait pas une histoire à dormir debout.

Faute d'avoir progressé d'un iota depuis plus de seize ans, l'histoire de cette petite fille échappe singulièrement au temps des horloges, perdue dans l'immémorial où se dissipent toutes les menaces, où l'on peut tout entendre et tout dire. Avec une certaine sérénité.

Il était une fois.
Ou il n'était pas..  Ainsi vont les contes merveilleux, de fées ou sans faits.

Il était une fois une petite fille appelée Madeleine MC qui, ou bien cessa d'être le 3 mai 2007, à la veille de son quatrième anniversaire, ou bien un jour se mariera et aura beaucoup d'enfants. 

Il était une fois des parents qui accusaient un ravisseur de leur avoir pris Madeleine. Quiconque porte sur la nature humaine un regard bienveillant voudrait terriblement que cette hypothèse ne soit ni factice, ni fallacieuse, ni falsifiée. 
Du moins pas complètement.

Ce que l'on fait n’est pas toujours bien fait, ni un bienfait. Pas toujours mal fait non plus, ni un méfait. Parfois surfait, défait, refait, ou carrément ni fait ni à faire..

Il était une fois des sentiers de l'information barrés, alors que s'enfiévraient les médias, frustrant ceux qui voulaient comprendre et faisant la part belle à la désinformation, qui eut cours plus souvent qu'à son tour. 

Le secret de l'instruction criminelle eut sa part de maladresse et d'incongruité, comme la transparence, dans d'autres systèmes juridiques, a son lot de méprise et d'égarement.

Quand les chemins de la connaissance se dérobent, les journalistes s'accrochent aux tapis volants de la rumeur, empruntent les voies méandreuses de la spéculation et esquivent le quotidien au profit du spectaculaire. 


Paradoxalement la société de l'information était au cœur de la stratégie de Lisbonne, décidée au Conseil européen de mars 2000 par les quinze États-membres d'alors.


Tout le monde conviendra que toute disparition d'enfant est tragique, quel qu'en soit le contexte. Ici cependant le drame se double abruptement d'un mystère. Se pourrait-il que ce mystère soit singulièrement moins épais que sa longévité ne le laisse présumer ?
Souvent la réalité et la vie quotidienne n'obéissent que peu ou pas du tout à la logique.

L'exceptionnel, l'invraisemblable, l'excessif, voire le rocambolesque sont postérieurs à ce fait-divers simple, devenu de mille manières inextricable. Tant de prises de position, d'initiatives, de requêtes, de sollicitations, de poursuites, d'exigences loin d'être anodines.

Aucun vent cependant n'a soufflé dans les voiles.

On objectera avec raison qu'il y a des événements autrement importants, mais cela ne signifie pas que cette histoire ait peu à nous apprendre. Sa pertinence est liée à ce qu'elle révèle de nos sociétés post-modernes et aussi, surtout peut-être, de l'humain, trop humain.
 



Énormément d'énergie a été déployée et l'est encore. En vain ?
Beaucoup de deniers publics ont été engloutis dans un puits sans fond. En vain ?
Pour ne rien dire des questions insidieuses, des doutes récurrents, des certitudes fragiles, du bon sens malmené et des conjectures alimentées à la petite semaine. En vain?

Le vent souffle où il veut.  

Presque un an après la disparition de Madeleine MC, la police judiciaire ignorait toujours de quelle sorte de crime elle avait été victime. Dans un dernier effort pour mettre au jour la vérité, le procureur de la république, dont la mission est de garantir la conduite impartiale de l'enquête à charge et à décharge, requit alors une reconstitution des faits. Faute de volonté des protagonistes, celle-ci ne put avoir lieu et l'affaire MC fut classée. Tel est le destin des enquêtes criminelles quand ni imputation ni exonération ne sont possibles. 
Aussi aucune sorte d'accusation n'est-elle raisonnable.



Les parents de Madeleine MC avaient depuis des mois recruté successivement deux équipes de "privés". Les premiers, espagnols, se révélèrent être des fripons, le patron des seconds, britanniques, se révéla être carrément un escroc. Ces privés tentèrent d'obtenir des informations à travers la juge à qui les intérêts de Madeleine avaient été confiés, Mrs Justice Hogg. Celle-ci fit une déclaration surprenante, entre sermon et conte merveilleux. 
Il était une fois Héro et Héroïne. Ils étaient beaux, mais leur fille les dépassait en beauté. Un jour un exécrable malfrat la leur vola. Au lieu de courir derrière celui-ci, la stupide police étrangère, car l'histoire se passe dans un obscur pays de non-droit, commença à suspecter Héro et Héroïne. Comment osait-on imaginer que deux parents aussi étincelants, médecins de surcroît, aient pu faire du mal à leur enfant chérie ?
Le conte de Mrs Justice Hogg s'arrête là. Mais bien des gens sautèrent sur leurs grands chevaux pour rassurer Héro et Héroïne. Ils avaient le monde avec eux et le monde allait les aider à retrouver leur fille bien-aimée. L'exécrable serait pendu haut et court. Personne ne pensa une seconde que l'inepte police étrangère eût pu avoir de bonnes raisons de penser que les parents de l'enfant disparue n'avaient pas dit toute la vérité.
Petit à petit, le monde commença à s'étonner que Héro et Héroïne eussent amassé tellement d'argent qu'ils s'étaient dotés des meilleurs avocats de la planète, capables de clouer le bec de ceux qui osaient exprimer leurs doutes. On ne pouvait poser aucune question à H et H, si la police s'avisait de les questionner, il fallait avoir une excellente raison pour le faire.

Vint le jour où le Ministère public prononça une ordonnance de classement où il est fait référence au récit de Friedrich Dürrenmatt – La promesse, requiem pour le roman policier –, allusion sans ambiguïté au policier qui mena l'enquête pendant les premiers mois puis fut contraint de s'en aller. Bien que l'enlèvement ne t, dans ce document souverain, que l'un des crimes pouvant expliquer la disparition, les journaux (pas seulement la presse dite "de caniveau") ne retinrent que cette hypothèse-là
Ils ne furent pas les seuls.

L'investigation avait en effet mené la police judiciaire à une conclusion bien différente, grâce notamment à un chien britannique très spécial. Aussi le commissaire Amaral ne tarda-t-il pas à devenir l'homme sinon à abattre, du moins à discréditer.
Dans un livre il raconta ce que les enquêteurs pensaient : Madeleine n'avait pas vu le soleil se coucher le soir du 3 mai 2007. 
Et si elle ne l'avait pas vu se lever ce matin-la ?
Les parents ne voulurent rien entendre et firent saisir le livre où il n'était pas question d'enlèvement. Dans les nombreuses assignations en justice qu'ils entamèrent, ils prirent grand soin d'éviter de répondre sous serment devant une cour de justice. 


Joseph Mankiewicz - Suddenly, Last Summer (1959)
Pour Violet Venable, le réel n'a pas eu lieu.


Restait le tribunal de l'opinion publique. Ce fut une rude épreuve car le procureur de la république, prévoyant une ruée journalistique incontrôlable vers le tribunal de Portimão, avait ordonné la publication digitalisée du dossier sur DVD, certains en obtinrent un exemplaire, d'autres se mirent à traduire les plus de dix mille pages, en anglais. Très vite chacun put le consulter sur la Toile, l'analyser et de là s'interroger.

En mai 2011, à l'instigation du PM britannique, David Cameron, plus de trente policiers de Scotland Yard commencèrent à se consacrer quotidiennement et entièrement à l'examen du dossier dans l'espoir de retrouver vivante une Madeleine enlevée. Personne ne sait pourquoi cette entreprise prit le nom de Operation Grange. Personne ne sait pourquoi non plus sa mission se limitait à la seule perspective orthodoxe, celle de l'enlèvement. C'est évidemment, eu égard aux conclusions de l'ordonnance de classement de 2008), plus insinué (comme si l'enlèvement s'était produit au Royaume-Uni) que martelé, mais OG n'a jamais suggéré le contraire. 


Edvard Munch - Le cri (1893)

Au début de l'été 2013, la plus célèbre police du monde décida d'infléchir ses travaux et d'enquêter. Pour ce faire elle émit une série de... CRI (Commission rogatoire internationale) à l'attention de divers pays, dont principalement le Portugal.

Et puis, coup de théâtre en octobre 2013, le chef de OG affirma publiquement que le signalement qui avait pignon sur rue était un leurre : l'homme que les MC tenaient pour le ravisseur de leur fille, l'homme qui était le seul indice d'enlèvement était un père innocent qui revenait de la crèche de nuit. 


Plus de 6 ans de concentration, d'attention, de réflexion sur cet homme à multiples sobriquets, mais curieusement sans visage, eurent le sort des mirages.
Toutefois findmadeleine.com, le site des MC, exhibe toujours le vieux sketch de l'homme identifié par SY. Est-ce parce qu'il est difficile de renoncer radicalement au protagoniste principal de l'histoire, de leur histoire ?


Les projecteurs ne furent pas remisés car il y avait un autre ravisseur hypothétique, l'homme croisé par une famille irlandaise, celui qui portait une petite fille inerte, en tous points semblable à Madeleine.
C'était loin d'être un scoop. La police portugaise, cible de tant de sarcasmes, avait très vite négligé le premier porteur au profit du second.
"Au profit de" est beaucoup dire toutefois, car cet homme-là n'était pas à prendre avec des pincettes, puisque deux témoins pensaient qu'il avait l'allure du père de Madeleine.

Les MSM (Mainstream Media) ne mordirent pas à l'hameçon, craignant certainement de s'aventurer en terrain marécageux ou d'encourir les semonces du redoutable cabinet Carter-Ruck
Car il était une fois, dans la capitale de la perfide Albion, un escadron de roués chevaliers auxquels il valait mieux ne se frotter jamais.
 
Les cupides mais frileux Red Tops, les tabloïds, continuent donc à ânonner leur monotone couplet et à recycler le suspect idéal (the usual suspect), en se réclamant à l'envi d'une source proche de la famille
Toutes élucubrations jamais démenties par les intéressés.

Un jour nonobstant, le chef de Operation Grange, le DCI Andy Redwood, insinua que Madeleine n'était peut-être pas sortie vivante de l'appartement 5A. Effrayés, les tabloïds prirent le parti prudent de la sourde oreille. Non seulement le Yard évoquait une hypothèse qui avait coûté fort cher au commissaire Amaral et plus d'un million de livres à l'Express Group, mais il soulevait une question singulièrement perturbante. Car si un chien spécialisé en odeur de cadavre avait alerté fin juillet 2007 dans le dernier endroit où Madeleine avait été vue vivante, les COV (composés organiques volatils) résiduels (sans substance palpable) exigent, pour être détectés, un PMI (post-mortem interval) d'au moins 90 minutes...

Quid, entre autres questions pertinentes, des fameuses rondes de nuit toutes les demi-heures ? Étroitement confiné à la piste unique de l'enlèvement, la seule en fait justifiant son existence et les fonds publics investis, Operation Grange ne manifesta d'intérêt ni pour les rondes  ni pour ce que les protagonistes pouvaient en dire.


Tomi Ungerer - Les 3 brigands (1961)
Au moment du septième anniversaire de la disparition de Madeleine MC, SY obtint par CRI l'autorisation de procéder à des excavations dans certains terrains vagues de Praia da Luz. Huit journées, autant d'hectares, trente policiers, un archéologue et un géologue forensiques, deux chiens HRD mais aucun tuyau : n'était-ce pas mettre la charrue avant les bœufs ? Car enfin ces chercheurs n'étaient pas en quête d'or!
Les antennes-relais avaient certes révélé que trois dealers mineurs s'étaient appelés sur leurs téléphones cellulaires respectifs le soir fatidique du 3 mai dans les environs de PDL. La belle affaire !
Statistiquement combien de trous faudrait-t-il creuser pour démontrer que MMC n'est pas enterrée à PDL ?

Le frère et la sœur de MMC ne sont plus de jeunes enfants. Aussi leurs parents sont-ils très inquiets de ce qu'ils pourraient découvrir sur la Toile, ne serait-ce que par sérendipité, autrement dit accidentellement en cherchant autre chose. Assurément, ici au moins, personne ne leur donnera tort, Internet est le vecteur de légendes urbaines qui ne sont pas bonnes à entendre, pour ne pas dire cruelles.  
L'intérêt premier des enfants est de connaître la vérité et leurs parents n'ont guère aidé la police à l'établir. On ne peut s'empêcher d'interpréter le choix du mutisme maternel comme une dérobade et le retour paternel sur sa première déposition comme un subterfuge. Et on voudrait bien savoir pourquoi les MC ont laissé tant de questions sans réponse. Cela ne fait pas d'eux nécessairement des coupables, mais il y a trop de non-dit et il est facile d'imaginer comme cela sera dur pour leurs enfants quand ils auront l'âge de se poser des questions.  
La phase instructionnelle, que les parents n'ont pas voulue, aurait culminé dans un débat contradictoire. La confrontation des idées, des témoignages, des faits, des informations aurait permis d'éclaircir certains points et on aurait obtenu au moins une sorte de vérité judiciaire,  traduite peut-être par un non-lieu.
Les enfants grandissent, lorsqu'ils auront connaissance du dossier, leurs parents pourront difficilement leur prêcher ce qu'ils essaient de nous faire croire, à nous, le public. Il n'y a pas de meilleure solution qu'une décision, quelle qu'elle soit, pour que les enfants puissent commencer à regarder vers l'avenir.

Alors qu'ils n'étaient que des enfants, la soeur de Mulder disparut de son lit, volatilisée, aucune trace, aucun indice. Depuis cet événement toute la vie de Fox peut se résumer à la quête de Samantha, avec l'aide de Scully.

Les MC ont assez peu judicieusement remis à SY un dossier sur les bandits de grands chemins internautiques. Non seulement ces "bandits" n'avaient rien commis de répréhensible, mais il apparut, très vite et tragiquement, que n'est pas toujours troll celui qu'on pense.
L'affaire MC semble avoir fait une mort. Une seule ?

Le DCI Redwood a quitté Operation Grange en décembre 2014. Sans un mot, sans un regret. Il n'a parlé ni de ce qui avait été fait ni de ce qu'il y avait encore à faire. N'est-il pas légitime de se demander s'il le savait lui-même? 

Depuis, OG a vu ses effectifs fondre comme neige au soleil, de 30 ils ne sont plus que 3 pour explorer une ultime piste. Rien ne permet de penser qu'elle pourrait être la bonne. Si les meilleurs limiers du monde n'ont pas découvert MMC ou tout du moins ce qui lui est arrivé, peut-être est-ce parce que leur mission était par trop restrictive. Limités au ravisseur, ils n'ont pas pleinement investigué la cause du seul fait établi, la disparition. Quiconque perdrait son enfant de manière aussi dramatique et inexplicable souhaiterait que les quelque 15 millions de livres que OG a coûté aux contribuables britanniques ne soient pas gaspillés et servent au moins à dissiper les méchantes rumeurs. Une fois pour toutes.  

Mais il y a plus redoutable que les mauvais esprits, il y a les esprits questionneurs, qui prennent soin de soumettre leurs scénarios à l'épreuve des faits et refusent que l'on pense à leur place.
Ceux-là se demandent pourquoi OG a fait l'économie d'un point crucial, l'établissement de la ligne de temps, de la time-line des événements de la soirée du 3 mai 2007 à PDL, au lieu de s'en remettre aux témoignages incertains, confus, voire contradictoires des protagonistes. Il y a des situations où il est difficile de s'affranchir d'un certain esprit de corps. C'était le motif de la reconstitution, pour ne rien dire de ce qu'un analyste britannique avait discrètement signalé au détour d'un rapport en été 2007 : un intervalle, juste après l'alerte, avait échappé à tout contrôle. À ce moment-là, qui faisait quoi et où ?


Quand, début juillet 2008 et à propos de l'affaire MC, le ministère public fit savoir que serait présentée une solution, on comprit que les éléments à charge étaient insuffisants pour formuler une accusation et on se demanda à bon droit si le MP disposait d'effets de manche lui permettant de formuler en guise de conclusion un épilogue qui ne fût pas lamentable.
Il apparut que ladite solution était surtout une manière de dire, une sorte d'accalmie politiquement correcte. L'institution judiciaire, dans son temps propre qui n'est pas celui de l'opinion publique, aboutit à une décision sinon courageuse, du moins raisonnable : l'ordonnance de classement.

Dire que le public fut déçu est peu dire, mais il n'est pas sûr qu'à défaut de vérité judiciaire cela ait été le plus mauvais dénouement. Les preuves sont parfois complexes et difficiles à apporter, on ne parvient pas toujours à démontrer, c'est la règle du jeu et force est de l'accepter. Ne pas s'y conformer reviendrait à plonger dans un système arbitraire où l'on pourrait condamner sur la foi d'une parole subjective.



A. Kurosawa - Rashômon (1950)


Face aux quatre narrations largement et mutuellement contradictoires du bandit, de la femme, du mort (via un medium) et du bûcheron sur le viol de la femme et l'assassinat de son mari, un samouraï, les acteurs pressèrent Kurosawa de leur dire quelle était la vraie, mais celui-ci refusa : il voulait explorer la multiplicité des réalités plutôt qu'exposer une vérité particulière.

M. Ritt - The Outrage (remake) (1964)


On l'aura compris, toute issue autre que l'enlèvement met en cause la parole des MC et insinue qu'il y a eu mystification. 

Croire à l'histoire de l'enlèvement, c'est, faute d'élément probant, croire ce que les MC souhaitent que l'on croie. Car ce n'est que leur histoire et le seul signalement à l'appui de l'enlèvement (l'homme aperçu par une compagne de voyage) a fondu comme neige au soleil. Par ailleurs l'argument du volet et de la fenêtre ouverts réfutant que Madeleine ait pu sortir de sa propre autorité, fourni par les MC, n'a pas été retenu, personne d'autre n'ayant vu ce volet et cette fenêtre ouverts. Enfin ce sont les avocats des MC qui ont cherché et trouvé, même transitoirement, des arguments pour discréditer les chiens de Martin Grime. Gonçalo Amaral et ses collègues ont examiné les éléments fournis et ont rejeté l'histoire de l'enlèvement. L'ex-commissaire a raconté dans un livre l'avis de son équipe sur ce qui s'est passé. D'autres ont examiné les éléments avancés par les MC et ont également rejeté l'histoire de l'enlèvement. Cela toutefois ne signifie pas qu'ils acceptent la théorie de G. Amaral.

Combien de générations passeront bon an mal an avant que la justice n'épuise le temps qui lui est imparti pour avoir son mot à dire ?


Fin janvier 2017, la Haute Cour portugaise a pondéré, dans l'affaire MC vs GA, liberté d'expression et réputation, deux droits de l'homme également fondamentaux. Si, dans la sentence, le premier droit l'a emporté sur le second, c'est que d'emblée les appelants, au gré de l'insondable chambre d'écho médiatique qu'ils surent admirablement se concilier, avaient porté sur la place publique leur version des faits - une hypothèse que le procureur de la république n'avait pu ni démentir ni confirmer -, ouvrant indéfectiblement la voie à la légitimité de toute interprétation divergente. La Haute Cour a aussi observé que l'ordonnance de classement de juillet 2008 n'avait pas mis les MC hors de cause. Si l'enquête n'avait découvert aucun élément à charge suffisant, elle n'avait pas non plus découvert d'élément à décharge. Autrement dit une chose est d'être positivement innocenté, une autre est d'être acquitté par défaut.

Cependant le droit à l’oubli, qui fait partie de notre mode de fonctionnement, de notre manière de penser, doit être reconnu à tous. Dès l'instant où un fait est prescrit, il n'y a plus lieu d'en faire état, en tout cas judiciairement. De lendemains qui chantent en lendemains qui pleurent peut-être vaut-il mieux n'espérer qu'une sorte de catharsis, cette vertu insigne qu'Aristote prêtait au théâtre tragique.
 

W. Shakespeare - As you like it  (Acte II-7)