Citation

"Grâce à la liberté dans les communications, des groupes d’hommes de même nature pourront se réunir et fonder des communautés. Les nations seront dépassées" - Friedrich Nietzsche (Fragments posthumes XIII-883)

16 - AVR 19 - Arrêt Cour d'appel de Lx (2)







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Nous avons toujours trouvé bizarre la manière dont le couple était traité, même après le statut de témoin assisté, et qu'ils aient éventuellement eu accès à des informations de la police.
Je revois l'enquête mentalement, les souvenirs jaillissent en cascade.
Je pense principalement à cette enfant sur le point d'avoir 4 ans, à qui tout d'un coup le droit à l'existence, à devenir une femme, à une vie de bonheur et de succès potentiels en compagnie de sa famille et de ses amis, a été nié, qui abruptement s'est perdu. Rien n'a de sens. Il semble que l'on prépare l'étouffement des faits en diminuant la force de tout espèce d'indice, en oubliant les droits de cette enfant et d'autres aussi. Mais qui désire une telle issue ? Qui a exigé ma sortie de la coordination opérationnelle de l'enquête ? Qui désire la fin du statut des McCann et de Murat comme témoins assistés ? Ceux qui insistent sur la thèse de l'enlèvement ? Ceux qui ont affirmé, et plus loin je dirai qui ils sont, que pour beaucoup moins on avait arrêté des gens en Angleterre ? Ou ceux qui persistent à mentir, oubliant la recherche de la vérité matérielle ? L'éventuel classement de l'enquête et la fin des investigations doivent bien servir à quelqu'un.
Après mon départ de Portimão, le 2 octobre 2007, j'avais décidé d'oublier l'affaire. Cela valait peut-être mieux, face aux pouvoirs qui me semblaient compromis.
Si les autorités du pays natal de l'enfant sont peu désireuses de savoir ce qui lui est arrivé, alimentant la thèse de l'enlèvement, pourquoi devrais-je me préoccuper ? Ce n'est pas la remarque inopportune (ou induite par la journaliste qui l'interrogeait) d'un directeur de police (1) qui réussira à effacer les indices existants (ce n'était pas non plus l'intention du propos), notre travail est gravé dans le marbre des autos. Il faudrait détruire ceux-ci pour effacer ce qui a été fait et, même comme ça, il nous reste nos souvenirs et la mémoire de ceux qui avec nous ont mené à bout de bras la tâche ardue d’essayer de découvrir la vérité matérielle (pp. 19-20) (…)

Oui, une enfant était morte ! Et je ne le dis pas par jugement de valeur, mais par déduction, fondée sur le recueil d'informations, d'indices et de faits prouvés qui figurent dans les autos. (p.21) (…)

La prudence d'une décision

À Portimão je retrouve l'inspecteur-chef Tavares de Almeida, qui faisait partie de l'équipe dont j'assurais la coordination. Nous nous connaissons depuis l'époque où nous étions entrés à la judiciaire. Les paroles du directeur national l'inquiètent, il parle d'une demande d'enquête déjà déposée auprès de la direction nationale de la PJ. Selon lui, cette enquête sur notre travail restaurera la vérité.
Pendant les cinq mois d'enquête, nous avons entendu un peu de tout, mais nous avons fait notre travail.
Nous nous remémorons ce que nous avons fait, les efforts déployés et, honnêtement, nous ne sommes pas sûrs que d'autres auraient pu faire mieux. Ce n'est pas de la suffisance, c'est de la confiance dans la rigueur du travail de tous les policiers engagés dans cette affaire.
– Écoute ! Ces gens-là (2) savent-ils faire des comptes ? Comment peut-on parler de précipitation quand les McCann sont devenus témoins assistés quatre mois après les faits ? Ne connaissent-ils pas le principe de non-auto-incrimination ?
Il se référait à l'interdit légal de recueillir la déposition d'une personne, en tant que témoin (3), jusqu'au point où cette personne pourrait donner à connaître des faits qui finiraient par l'incriminer. Autrement dit, quand quelqu'un s'apprête à faire des déclarations sur une affaire déterminée et quand, à un moment donné, il apparaît que cette personne pourrait être impliquée ou responsable de la pratique d'un acte illicite, cette personne est constituée témoin assisté (arguido). Ainsi sont préservés les droits et les devoirs du citoyen. Curieusement, et contrairement à ce que l'on voit si souvent dans la presse, surtout dans les médias anglais, le statut de témoin assisté est une protection puisque l'on peut s'en remettre au silence et éviter ainsi de proférer de fausses déclarations – comme dans le cas d'un simple témoin.
– Je suis d'accord avec toi. Si des erreurs ont été commises dans cette enquête, le retard mis à constituer les McCann comme témoins assistés en est une. Il y a eu trop de politique et pas assez de police.
– Bon, mais je n'en dirais pas tant. L'erreur a été de prendre le couple "avec des pincettes". Tu sais bien que très vite nous avons vu que bien des choses clochaient et qu'ils avaient droit à des privilèges. Voilà ce qui n'est pas normal ! (p.23)
– Peut-être que le directeur national pense que les McCann n'ont quitté l'Algarve que parce qu'ils sont devenus témoins assistés.
– Ils sont restés en Algarve tant qu'on parlait de la thèse de l'enlèvement... Quand cette thèse a été questionnée, ils ont tout de suite commencé à parler de retourner en Angleterre.
– D'où on conclut que le statut de témoin assisté n'a été qu'un faux prétexte pour abandonner notre pays.
– Tu sais, il y a des journalistes anglais qui considéraient que le Portugal était un pays du tiers-monde... Je n'étais pas d'accord et je n'ai pas changé d'avis, toutefois il n'y a que dans les pays du tiers-monde que l'on écarte le responsable d'une enquête criminelle en cours, sans que celui-ci ait été mis en cause par l'enquête qu'il dirigeait.
– On parle beaucoup de gouvernementalisation de la justice... on oublie comment on peut influencer toute enquête criminelle...
(1) On pourrait imaginer que GA fait ici référence à la parole malheureuse (la police britannique suivait les MC au lieu de maintenir une distance critique) qui motiva, question de diplomatie, son renvoi de l'affaire par le directeur national de la PJ, Alípio Ribeiro, mais non, il évoque la suggestion de statut d'arguido précipité faite par de ce dernier à la journaliste du quotidien Público (02/02/2008), 4 mois plus tard.
(2) Voir (1)
(3) Précisons que les McCann, depuis le premier jour, étaient "victimes" et non "témoins". Ils sont donc passés du statut de "victime" à celui de "témoin assisté". 
 

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– C'est facile... on charge de l'enquête les officiers de police en qui on a confiance... Puis, si les choses vont mal, on change de responsables...
– Il ne me semble pas que cela ait été la raison fondamentale, mais...
– Il y a toujours des éléments valides et légaux... Enfin. L'unique obstacle à cette gestion de l'enquête, quasiment politique... ce sont les dirigeants supérieurs des forces de police.
Il faut qu'ils s'opposent à des situations douteuses et contraires aux intérêts de l'enquête. Ils ne peuvent acquiescer à tout dans le seul but de rester accrochés au pouvoir...
– Mon ami... Les gens ne dirigent pas les forces de polices par intérêt personnel... Ils les dirigent dans la poursuite de l'intérêt public. C'est la seule manière de comprendre le rôle des forces de police dans un État démocratique et de droit.
– Mais pense un peu ! Nous pouvons arriver au point où certaines enquêtes ne seront effectuées que par qui convient aux arguidos... Il pourrait s'agir d'une question de "modernité".

Fraude ou abus de confiance ?

Lors d'un moment de détente au cours d'une de ces réunions (1), j'aurais commis une gaffe ou, qui sait ?, été importun et peu diplomatique. Préoccupé par la possibilité que le couple McCann soit, d'une manière ou d'une autre, impliqué dans la disparition de leur fille, et alors que je réfléchissais aux types de crime qui pourraient leur être imputés, un fait me vint à l'esprit. Si la responsabilité des McCann se trouvait confirmée, alors suivrait le crime de fraude ou d'abus de confiance quant au fonds créé pour financer la recherche de Madeleine, un fonds qui détenait plus de 2 millions de livres. Le débat s'engagea et, de fait, les prémisses pointaient vers les crimes de fraude qualifiée ou d'abus de confiance, mais il n'appartenait pas au Portugal d'enquêter et de juger un tel crime. Ce serait l'affaire du Royaume-Uni, puisque le fonds se trouvait enregistré dans ce pays. Nos collègues anglais s'aperçurent alors d'une dure réalité : la forte possibilité d'avoir un crime à investiguer dans leur pays, en ayant les McCann comme éventuels suspects, une perspective qui ne semblait guère leur plaire. Je notai la pâleur soudaine qui s'empara des visages britanniques présents. (p.193) (…)

Une disparition, une fenêtre et un cadavre

Atteint ce point, il importe d'opérer une synthèse déductive de cette affaire. Autrement dit, rejeter ce qui est faux ; écarter ce qu'on ne peut prouver, faute d'éléments suffisants ; donner comme valide et acquis ce qui a été prouvé.
Ainsi :
1) La thèse de l'enlèvement est défendue depuis la première heure par les parents de Maddie;
2) Au sein du groupe, seuls les progéniteurs déclarent avoir vu la fenêtre ouverte dans la chambre de l'enfant disparue ; la plupart (des compagnons de voyage) ne peuvent témoigner de manière fiable sur ce point, puisqu'ils ont couru vers l'appartement seulement après que Kate McCann a donné l'alerte.
3) La seule déposition indépendante qui mentionne une fenêtre et des persiennes ouvertes est celle d'une des nannies de l'Ocean Club, Amy, arrivée vers 22h20/30, donc bien après l'alerte, ce qui rend son témoignage sans intérêt pour l'heure du crime.
4) Dans leur ensemble, les dépositions et les témoignages révèlent un grand nombre d'imprécisions, d'incongruités et de contradictions – certains pourraient même être qualifiés de faux témoignages. En particulier le témoignage-clef pour la thèse de l'enlèvement, celui de Jane Tanner, perd toute crédibilité du fait d'une évolution constante qui le rend ambigu et le disqualifie.
6) Il y a un cadavre non localisé, constatation validée par les chiens anglais EVRD et CSI et corroborée par les rapports préliminaires du laboratoire (pp.219-220). (al.I)

24. Le défendeur Gonçalo Amaral a conclu son livre Maddie - A Verdade da Mentira de la manière suivante :

Pour moi et pour les inspecteurs qui ont travaillé sur cette affaire jusqu'en octobre 2007, les conclusions de l'enquête sont les suivantes :
1) La mineure Madeleine McCann est morte dans l'appartement 5A de l'Ocean Club de Vila da Luz, le soir du 3 mai 2007 ;
2) Il y a eu une simulation d'enlèvement ;
3) Kate Healy et Gerald McCann sont suspects d'implication dans le recel du cadavre de leur fille ;
4) La mort pourrait être survenue à la suite d'un tragique accident.
5) Il existe des indices de négligence dans la protection et la sécurité des enfants. (pp.220-221) (al.J)


25. Le livre Maddie – A Verdade da Mentira a été lancé le 24/07/2008, au centre commercial El Corte Inglês, à Lisbonne (al.R)

26. Le jour de son lancement, le 24/07/2008, le livre a été vendu aussi avec le journal Correio da Manhã. (al.S)
(1) Ces réunions sont avec les policiers britanniques venus aider la PJ/soutenir les MC, notamment Stuart Prior, l'inspecteur-chef du LC, que GA décrit comme particulièrement tendu alors que s'approchent les interrogatoires au cours desquels les MC finiront par être constitués témoins assistés.



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27. Le livre Maddie - A Verdade da Mentira a fait l'objet des éditions portugaises suivantes : 1) juillet 2008 (30.000 ex.), 2) juillet 2008 (10.000 ex.), 3) juillet 2008 (10.000 ex.), 4) juillet 2008 (30.000 ex.), 5) août 2008, 25.000 ex.), 6) août 2008, 10.000 ex.), 7) août 2008 15.000 ex.), 8) août 2008 (10.000 ex.), 9) août 2008 (10.000 ex.), 10) août 2008 (10.000 ex.), 11) août 2008 (10.000 ex.), 12) en 2008 (10.000 ex.). (al.T)

28. Le livre a été publié par d'autres maisons d'édition, dans les pays suivants : Espagne (septembre 2008), avec une éventuelle commercialisation en castillan dans les pays d'Amérique latine ; Danemark (novembre 2008), avec une éventuelle commercialisation dans d'autres pays nordiques ; Italie (décembre 2008), avec une éventuelle commercialisation en italien dans le monde entier ; Pays-Bas (avril 2009), avec commercialisation en néerlandais dans le monde entier ; France (mai 2008, avec commercialisation en français dans le monde entier ; Allemagne (juin 2009), avec commercialisation en Autriche et en Suisse. (al.U)

29. Dans le cadre du référé annexe, ont été remis à la mandataire des requérants environ 7.000 exemplaires du livre. (al.V)

30. Il circule sur la Toile, sans l'autorisation du défendeur Guerra e Paz editores, SA, une traduction du livre en anglais et le texte en portugais. (al.X)

31. Le prix de vente du livre Maddie - A Verdade da Mentira, au Portugal, a été fixé par le défendeur Guerra e Paz Editores, SA à 13,33 € (taxes incluses). (art.2°)

32. La vente des livres s'est effectuée en partie à consignation et en partie avec droit au retour, les motifs du retour étant divers, nommément défaut de fabrication, de manipulation ou non transaction. (art.23°)

33. Les gains du défendeur Gonçalo Amaral avec la vente du livre Maddie – A Verdade da Mentira ont été, en 2008 et 2009, de 342.111,86 €. (art. 3° et 4°)

34. Le défendeur VC -Valentim de Carvalho-Filmes, Audiovisuais, SA est une société commerciale dont la fonction est de créer, développer, produire, promouvoir, commercialiser, distribuer, montrer et diffuser des œuvres cinématograhiques et audio-visuelles. (al.AA)

35. Le 7/03/2008, les défendeurs Gonçalo Amaral et VC-Valentim de Carvalho-Filmes, Audio-visuais, SA ont signé un accord, annexé aux folios 282-283, dénommé "option de droits – deal memo", dans les termes duquel le premier défendeur cédait au second, en exclusivité, les droits d'adaptation audio-visuelle (documentaire et fiction) d'un livre consacré à l'enquête sur la disparition de Praia da Luz. (al.AB)

36. Le 11/03/2008, les défendeurs Gonçalo Amaral et VC-Valentim de Carvalho-Filmes, Audio-visuais, SA ont signé un accord, annexé aux folios 284-288, dénommé "cession de droits – contrat d'option", selon les termes duquel le premier défendeur cédait au second, le droit d'option exclusif, pendant une période de deux ans, pour procéder à l'adaptation du livre Maddie – A Verdade da Mentira pour un documentaire ou une fiction, qui pourrait avoir le format d'un film de cinéma ou d'un téléfilm. (al.AC)

37. La clause 2a de cet accord est rédigée ainsi : par la cession de ce droit exclusif d'option, VCFilmes s'engage à payer à l'auteur le montant brut de 25.000 €, sujet à la taxe légale et augmenté de la TVA respective (…) (al.AD)

38. De la clause 4a de cet accord il ressort notamment ceci : 1) Pour ce qui est de l'adaptation du livre en documentaire, l'auteur s'engage à participer comme narrateur, en cédant tous les droits d'image et de son. 2) Pour cette participation, et pour la cession de tout le contenu patrimonial des droits d'auteur et connexes à VCFilmes, l'auteur recevra le montant brut de 15.000 €, sujet à la taxe légale (…) 3) Pour la cession des droits évoqués au point antérieur, l'auteur recevra 10% de toutes les recettes, nationales et internationales, de l'exploitation du documentaire (sur toute plateforme et sur tout support inventé et à inventer), après déduction des coûts de production. (al.AE)

39. Le 6/06/2008, le défendeur VC-Valentim de Carvalho-Filmes, Audiovisuais, SA, au terme d'un accord avec la société Valentim de Carvalho-Multimedia, SA, a cédé à cette dernière les droits de commercialisation, distribution, présentation et diffusion d'un ensemble d'oeuvres cinématographiques et audio-visuelles (films, mini-séries et documentaires) qui se propose de les produire dans un délai de 5 ans. (art. 30°)




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40. Le défendeur VC-Valentim de Carvalho-Filmes, Audiovisuais, SA a produit le documentaire intitulé Maddie, A Verdade da Mentira, réalisé par Carlos Coelho da Silva, qui correspond à l'adaptation de l'oeuvre littéraire (livre) du défendeur Gonçalo Amaral, documentaire que le DVD annexé aux autos reproduit. (al.AF)

41. Au début du documentaire, le défendeur Gonçalo Amaral affirme ceci :

Mon nom est Gonçalo Amaral et j'ai été inspecteur de la police judiciaire pendant 27 ans. J'ai coordonné l'enquête sur la disparition de Madeleine McCann, le 3 mai 2007. Au cours des 50 minutes qui vont suivre je vais prouver que l'enfant n'a pas été enlevée et qu'elle est morte dans l'appartement de vacances de Praia da Luz. Découvrez toute la vérité sur ce qui s'est passé ce jour-là. Une mort que bien des gens voudraient dissimuler. (al.AG)

42. À la fin du documentaire, le défendeur Gonçalo Amaral affirme ceci :
Ce que sais me dit que Madeleine McCann est morte dans l'appartement 5A, le 3 mai 2007. J'ai la certitude que cette vérité se révélera un jour. L'enquête a été brutalement interrompue et il y a eu un classement politique et précipité. Il y en a qui cachent la vérité, mais tôt ou tard le vernis va se fissurer et les révélations vont surgir. Seulement alors il sera rendu justice à Madeleine McCann. (al.AH)

43. Le défendeur VC-Valentim de Carvalho-Filmes, Audiovisuais, SA a conclu le documentaire avec la déclaration suivante :
Le mystère persiste, l'ex-inspecteur croit qu'un jour on saura la vérité. En attendant nous savons seulement que le 3 mai 2007, Madeleine McCann a disparu à Praia da Luz. Elle avait 3 ans et c'était une enfant heureuse. (al.AL)

44. À la suite d'une délibération, décision fut prise le 27/10/2008 d'augmenter le capital du défendeur VC-Valentim de Carvalho-Filmes, Audiovisuais, SA, décision enregistrée le 28/09/2009. La société Estudios Valentim de Carvalho-Gravaçoes e Audiovisuais, SA devint détentrice de 60% du capital de VCFilmes, tandis que le Fonds d'investissement pour le cinéma et l'audiovisuel devint détenteur de 40%. (art.29°)

45. Les 13/04/ et 12/05/2009, le documentaire fut diffusé par le défendeur TVI-Televisao Independente, SA. (al.AJ)

46. Avant la diffusion du documentaire, le défendeur TVI-Televisao Independente, SA fit la déclaration suivante :

Le programme qui suit est un documentaire basé sur le livre de Gonçalo Amaral, ex-inspecteur de la PJ qui enquêta sur la disparition de Madeleine McCann en Algarve. Sa version des faits est rejetée par les parents de Maddie, qui continuent à maintenir qu'il s'agit d'une affaire d'enlèvement.

L'enquête criminelle menée par les autorités portugaises s'est achevée avec le classement de l'affaire, décision que conteste Gonçalo Amaral.

Plus que de désigner des responsables, tâche qui appartient à la justice, ce documentaire est destiné à contribuer à ce que lumière se fasse sur une affaire qui demeure un mystère à résoudre, depuis presque deux ans, et à fournir les éléments qui permettent à l'opinion publique de comprendre. (al.AL)

47. 2.200.000 téléspectateurs au moins ont regardé le documentaire diffusé le 13/04/2009 (art. 10°).

48. Le défendeur Gonçalo Amaral a été interviewé par deux journalistes du Correio da Manha, Eduardo Dâmaso et Henrique Machado. Le contenu de l'interview, publiée intégralement dans l'édition du 24/07/2008 avec gros titre à la une, contient en particulier les affirmations suivantes :

CdM : Quelle est votre thèse, comme investigateur de l'affaire ? 
GA : La fillette est morte dans l'appartement. Tout est dans le livre, qui est fidèle à l'enquête déployée jusqu'en septembre (2007). Il reflète la perception des forces de police portugaise et anglaise et celle du Ministère public. Pour nous tous, jusque-là étaient prouvés le recel de cadavre, la simulation d'enlèvement et l'exposition ou l'abandon.
CdM : Qu'est-ce qui vous a amené à suspecter les McCann de tous ces crimes ? 
GA : Tout a commencé par la pression des parents pour imposer la théorie de l'enlèvement. Et l'enlèvement se fonde sur deux faits : l'un est le témoignage de Jane Tanner, qui dit avoir vu un homme passer devant l'appartement avec une enfant sur ses bras étendus ; l'autre est la fenêtre de la chambre qui, selon Kate, était ouverte quand elle aurait dû être fermée. Il a été prouvé que rien de tout cela n'a eu lieu.

CdM : Comment l'avez-vous prouvé ? 

GA : Jane Tanner n'est pas crédible : elle identifie et reconnaît des individus différents. Elle commence par Murat, plus tard elle parle de quelqu'un d'autre, selon le dessin fait un témoin, et dit que c'est ce quelqu'un-là, très différent de Robert Murat.

CdM : Le témoignage de Jane Tanner a orienté vers la thèse de l'enlèvement ? 
GA : Pour avancer dans cette direction, il aurait fallu lui donner du crédit ; rien d'autre ne permettait de soupçonner l'enlèvement. C'est la question de la fenêtre de la chambre où dormaient Maddie et ses frère et sœur qui est cruciale. Elle mène à l'enlèvement. Autrement dit, était-elle ou n'était pas ouverte quand Jane dit avoir vu le porteur d'enfant. La mère de la fillette, Kate, est la seule à parler de fenêtre ouverte.

CdM : Cela démonte la thèse de l'enlèvement ?

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GA : La solution est là. La porte fermée ou non est un fort indice de simulation. Er pourquoi simuler un enlèvement et ne pas dire que l'enfant a disparu ?
Elle pourrait avoir ouvert la porte et être sortie..

CdM : Les empreintes digitales de Kate renforcent-elles la thèse de la simulation ?
GA : Ce sont les seules empreintes digitales trouvées sur la fenêtre. Et en position pour l'ouvrir (…)

CdM : Que pensez-vous qu'il soit arrivé au corps ?
GA : Tout indiquait que le corps, après avoir été dans un certain endroit, a été transporté en voiture vers un autre, plus de vingt jours plus tard. Compte tenu des vestiges trouvés dans la voiture, la fillette aurait été transportée ainsi.

CdM : Comment pouvez-vous affirmer cela ?
GA : Étant donné le type de fluide, nous disons, nous policiers, experts, que le cadavre a été congelé ou conservé dans le froid et, une fois dans le coffre, avec la chaleur qu'il faisait alors, une partie de gel a fondu. Dans un tournant, par exemple, quelque chose est tombé à droite du coffre, sur la roue de secours. On peut dire que c'est spéculer, mais c'est la seule manière d'expliquer ce qui s'est passé.

CdM : Si le corps a été d'abord caché près du côté de la plage, a-t-il été hors de portée des recherches ?
GA : On a cherché sur la plage à une heure à laquelle on ne sait si le corps était encore là. On a utilisé des chiens, mais les pisteurs ont des limitations, comme l'eau salée par exemple. Et puis le corps pourrait avoir été enlevé de là. (al.Z)


49. Le défendeur Gonçalo Amaral a fait les déclarations qui lui sont attribuées au point antérieur. (art.1°)
50. Le défendeur Gonçalo Amaral a accordé des interviews à TVI-Televisao Independente, SA, les 18/05 et 27/05/2009 (al.M)
51. À la fin d'avril 2009, le documentaire a commencé à être commercialisé en DVD, sous les titre et sous-titre Maddie – A Verdade da Mentira – Un puissant documentaire basé sur le best-seller "A Verdade da Mentira" de Gonçalo Amaral. (al.AN)
52. Le DVD évoqué au point antérieur été édité et les copies éditées ont été commercialisées par la société Valentim de Carvalho Multimédia, SA, moyennant un accord signé avec la société Presselivre, Imprensa Livre, SA. (art.8°)
53. 75.000 exemplaires du DVD ont été mis en vente. (al.AO)
54. 63.369 exemplaires n'ont pas été vendus et ont été postérieurement détruits. (art.18°)
55. Sur la couverture du DVD figure, en rouge, le mot "confidentiel". (al.AP)
56. 0Le DVD a été vendu par la société Presselivre, Imprensa Livre, SA, avec le journal dont elle est propriétaire, le Correio da Manhã, au prix de vente au public de 6,95€ TTC. (art.6°)
57. Jusqu'à ce jour le documentaire n'a été reproduit qu'une fois pour être édité, publié et commercialisé au Portugal en format vidéo, soit en DVD comme évoqué au point 42. (art.31°)
58. Presselivre, Imprensa Livre, SA, propriétaire du journal Correio da Manhã, a été autorisée par Valentim de Carvalho-Multimédia, SA à reproduire,et éditer le documentaire en format vidéo, conformément au contrat établi entre les deux sociétés.
59. Dans les termes (du contrat), les DVD, leurs couvertures et emballages seraient, comme ils l'ont été, fabriqués pour le compte, à l'instigation et sous la responsabilité de Presselivre, afin d'être distribués et commercialisés conjointement avec le journal Correio da Manhã. (art.33°)
60. Et tout le processus d'enregistrement et de classement de l'édition en vidéo (DVD) du documentaire auprès du IGAC (1) serait, comme cela l'a été, développé par Valentim de Carvalho-Multimédia, processus dont Presselivre assumerait les coûts, comme cela a été le cas. (art.34°)
61. Le DVD du documentaire a été distribué pour la vente conjointement avec la distribution pour la vente du journal Correio da Manhã. (art.35°)
62. Les gains obtenus par le défendeur Gonçalo Amaral avec la vente du DVD, en 2008, s'élèvent à 40.000 €. (art.7°)
63. Le documentaire a été reproduit, et sous-titré en langue anglaise, par des tiers qui l'ont diffusé sur la Toile, sans l'autorisation et contre la volonté du défendeur VC-Valentim de Carvalho-Filmes, Audiovisuais, SA. (art.36°)
64. Cette diffusion illicite nuit non seulement aux droits dont VCFilmes est titulaire quant au documentaire, avec son exploitation commerciale, puisque tout citoyen peut accéder au documentaire, à distance, avec un "clic". (art.37°)
65. Le procureur de la République de Portimão a décidé de produire une copie digitale du dossier de l'enquête criminelle, à l'exception des éléments sujets au secret absolu, et de les remettre à diverses personnes, en particulier des journalistes, qui en feraient la demande, ce qui a eu lieu. (al.AX)

(1) Inspecç
ão-Geral das Actividades Culturais -  https://www.igac.pt/apresentacao




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66. Le contenu du DVD (produit par le Ministère public) a été divulgué, en particulier à travers la Toile, et lu, commenté et discuté publiquement et universellement. (al.AZ)
67. Les requérants Kate et Gerald McCann ont alerté la presse sur la disparition de leur fille. (al.BA)
68. Les requérants KMC et GMC ont accordé une interview pour le programme TV états-unien Oprah, présenté par Oprah Winfrey, où ils ont révélé l'existence de nouveaux témoins, reconstitutions (1) et portraits-robots. (al.BB)
69. L'interview pour Oprah a été diffusée dans le monde entier par signaux disponibles via satellites et réseaux câblés. (al.BC)
70. Cette interview "Oprah" a été diffusée au Portugal par la chaîne TV SIC, les 9/05 et 12/05/2009. (al.BD)
71. Les requérants KMC et GMC, en collaboration avec la chaîne TV britannique Channel 4, ont réalisé un documentaire sur la disparition de leur fille, intitulé Still Missing Madeleine, d'une durée de 60'. (al.BE)
72. Le 15/04/2009, le défendeur TVI-Televisão Independente, SA, a signé un accord préliminaire, en vue de la licence de diffusion, en exclusivité au Portugal, du documentaire SMM pour € 35.000. (al.BF)
73. Les requérants KMC et GMC ont donné des instructions pour que la licence de diffusion du documentaire SMM ne soit pas attribuée au défendeur TVI. (al.BG)
74. Le documentaire SMM, dont le titre a été traduit Maddie, deux années d'angoisse, a été diffusé par la chaîne TV SIC, le 12/05/2009. (al.BH)
75. Le 17/10/2007, Clarence Mitchell, porte-parole des requérants KMC et GMC, a affirmé que ceux-ci étaient suffisamment réalistes pour admettre que leur fille était probablement morte. (al.BI)
76. A été énorme l'intérêt public, au Portugal et sur la planète entière, pour tout ce qui a entouré la disparition de Madeleine McCann, l'enquête menée pour la retrouver et pour découvrir ce qui s'était réellement passé, leur évolution et leur vicissitudes, y compris la constitution des requérants KMC et GMC comme témoins assistés (arguidos) au cours de l'enquête et l'écartement du défendeur Gonçalo Amaral des investigations qui se sont développées sous sa coordination. (al.BJ)
77. Les requérants KMC et GMC ont contracté, à travers Madeleine's Fund, des entreprises de communication et des porte-paroles. (al.BL)
78. La dénommée Affaire Maddie a été profondément débattue dans la société portugaise et à l'étranger, soit à travers les organes de communication sociale, soit en livres, comme les ouvrages de Paulo Pereira Cristóvão, Manuel Catarino et Hernâni Carvalho. (art. 24°)
79. La dénommée Affaire Maddie a été commentée par le dr. Francisco Moita Flores, ex-inspecteur, écrivain, criminologue et chroniqueur, en cette qualité, dans divers organes de la communication sociale. (art. 25°)
80. Les faits relatifs à l'enquête criminelle sur la disparition de Madeleine MC, auxquels le défendeur Gonçalo Amaral fait référence dans son livre, dans l'interview pour le journal Correio da Manhã et dans le documentaire sont majoritairement des faits survenus et documentés dans cette enquête. (art. 27° et 28°)
81. En raison des affirmations du défendeur Gonçalo Amaral dans le livre, le documentaire et l'interview pour le Correio da Manhã, les requérants KMC et GMC ont ressenti colère, desespoir, angoisse, préoccupation, et ont souffert d'insomnie et de manque d'appétit. (art.13°)
82. Les mêmes requérants souffrent de malaise du fait qu'ils sont considérés, par les gens qui croient à la thèse du défendeur GA sur la disparition de MMC, comme responsables du recel de son corps et auteurs de la simulation d'enlèvement. (art.14°)
83. Les requérants KMC et GMC ressentent, avec grand souci, la nécessité d'éviter que leurs jeunes enfants ne viennent à connaître la thèse évoquée au point antérieur. (art.15°)
84. Sean et Amelie McCann sont entrés à l'école en août 2010 et n'ont pas encore pris connaissance de la thèse du défendeur GA, évoquée au même point. (art.17°) 


(1) Il faut souligner que les requérants, ici partie intimée, ont fait une sorte de reconstruction, et non une reconstitution, opération très différente, prévue et définie dans le CPC, en usage dans le système inquisitoire où elle vise à comprendre comment le crime a eu lieu. Ce que les Ministère public a requis des dits Tapas 9 était une reconstitution, il n'était pas envisageable d'engager des acteurs (pratique généralisée en fait de reconstruction), le but n'étant pas de stimuler les souvenirs du public comme dans la reconstruction de la Common Law ou système accusatoire.
 



Arrêt

3. Dans les termes des articles 635-4 et 639-1 du CPC, l'objet du recours se trouve délimité par les conclusions de l'appelant.

La question sur laquelle il faut se prononcer se concentre essentiellement sur l'appréciation d'acte illicite allégué et la responsabilité qui en découle, imputée au premier défendeur, ici appelant, de la publication, par les 2è et 3è défendeurs, également appelants, des œuvres en cause.



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En fait de droits de la personnalité (1), l'article 26-1 de la CRP déclare que sont reconnus à tous les droits au bon nom et à la réputation, et à la réserve de l'intimité de la vie privée et familiale.

À
l'article 37-1, cette même loi fondamentale énonce, conférant une dignité égale à la liberté d'expression, que chacun a le droit d'exprimer et de divulguer librement sa pensée par la parole, par l'image ou quelque autre moyen, comme chacun a le droit d'informer, de s'informer et d'être informé, sans entrave ni discrimination.

La liberté de la presse est établie à l'article 38-2, où se trouvent consacrées la liberté d'expression et de création des journalistes et collaborateurs.

L'article 18-2 établit que, dans l'éventualité d'un conflit entre les droits fondamentaux, les restrictions légales se limitent à ce qui est nécessaire pour préserver d'autres droits ou intérêts constitutionnellement protégés.

De son côté, la loi ordinaire consacre l'article 70 du CC comme principe selon lequel la loi protège les individus contre toute offense illicite ou menace d'offense à leur intégrité physique ou morale, tandis que, selon l'article 80 du CC, chacun doit être discret quant à l'intimité de la vie privée d'autrui.

En cas de conflit de droits égaux ou de la même espèce, les titulaires de ces droits doivent, selon les termes de l'article 335-1, céder dans la mesure du nécessaire pour que tous les droits produisent également leurs effets, sans que cela se fasse au détriment majeur de l'un quelconque de ces droits. L'article 335-2 indique que, tous droits étant inégaux ou d'espèce différente, prévaut celui qu'il convient de considérer comme supérieur.

Ainsi, et comme la jurisprudence dominante l'entend :

Une des limites à la liberté d'informer, qui de ce fait n'est pas un droit absolu, est la préservation du droit au bon nom. Les journalistes, les médias, sont tenus à des devoirs éthiques, déontologiques, de rigueur et d'objectivité.

Il revient aux médias le droit, la fonction sociale, de diffuser des nouvelles et d'émettre des opinions, critiques ou non, l'important étant qu'ils le fassent avec respect pour la vérité et pour les droits intangibles d'autrui, comme le sont les droits de la personnalité.
Le droit à l'honneur, au sens large, et le droit de liberté de la presse et de l'opinion sont de traditionnelles occasions de conflit.

La critique a pour limite le droit de l'individu critiqué, mais ne cesse pas d'être légitime en étant acérée et incisive, si elle n'est pas injurieuse, parce que souvent c'est le style de celui qui écrit.
Critiquer implique censurer, la censure véhiculée par les médias cesse seulement d'être légitime comme manifestation de la liberté individuelle quand elle exprime une anti-juridicité objective, violant les droits qui sont les plus personnels et affectant, plus ou moins durablement selon la mémoire des hommes, des valeurs qui doivent être préservées les droits, ici en cause, à l'honneur, au bon nom et au prestige social. (arrêt du STJ du 20/01/2010, www.dgsi.pt) (2)

Dans le cas qui nous occupe, outre l'évocation des faits figurant dans l'enquête sur la disparition de la mineure Madeleine McCann, il résulte de l'analyse du livre et des autres éléments incriminés que l'ici premier appelant (GA) y soutient la thèse selon laquelle il n'y a pas eu enlèvement, mais mort accidentelle de l'enfant, suivie d'une dissimulation – recel du corps et simulation de kidnapping – par les requérants Gerald et Kate McCann, ici partie intimée.

Il découle de la publication mentionnée que les moyens de preuve et indices auxquels celle-ci se réfère sont, essentiellement, ceux qui sont évoqués et documentés dans l'enquête criminelle sur cette affaire.

Nonobstant la thèse exposée, suivant laquelle la mineure est morte accidentellement et que les parents l'ont caché et répandu, pour leurrer, l'hypothèse de l'enlèvement, n'est pas une nouveauté, puisque elle figure également dans le rapport auquel se réfère le n°9 des faits prouvés, ayant déterminé la constitution comme arguidos de la partie intimée et ayant été rendue publique par la communication sociale à la suite de la mise à disposition de la digitalisation du dossier de l'enquête (n°s 65 et 66 des faits prouvés).

Comme l'a entendu l'arrêt proféré dans cette section (d'appel) sur le référé annexé, le premier appelant cherchait à travers (le livre) à exposer sa vision des faits, une fois que l'institution à laquelle il appartenait (la PJ) ne lui permettait pas, comme professionnel de la police d'investigation criminelle, de répondre aux attaques lancées contre ses compétences et son honorabilité. Il faut donc considérer la publication du livre comme traduisant légitimement l'exercice du droit à l'opinion.

Il résulte de ce qui a été prouvé que, outre qu'il s'agit de faits abondamment reproduits dans l'enquête et même rendus publics à l'instigation du procureur général de la République – c'est la partie intimée, qui, bénéficiant d'un accès facile, s'est multipliée en interviews et interventions dans les organes de la communication sociale nationale et internationale. Il faut en conclure que ce sont eux-mêmes qui, volontairement, ont limité leurs droits à la discrétion et à l'intimité de la vie privée.

De sorte que, en procédant de cette manière, ils ont ouvert la voie à quiconque désireux, comme eux, de donner son opinion sur l'affaire, contredisant leur thèse – sans pour autant cesser d'exercer le droit légitime, et constitutionnellement consacré, d'avoir une opinion et d'être libre d'exprimer sa pensée. 



(1) "Personnalité" se réfère à l'individu, autrement dit à la combinaison des aspects d'une personne qui la distinguent de toutes les autres, du passé, du présent et de l'avenir.


(2) Le lien exact est

http://www.dgsi.pt/jstj.nsf/954f0ce6ad9dd8b980256b5f003fa814/0d1d7e33cd681781802576b100506eca?OpenDocument

L'arrêt d'appel se réfère plus qu'une fois à cet exemplaire arrêt de la Cour Suprême de Justice et il vaut la peine de le lire car il y est question de liberté d'opinion et de droit au bon nom. A, un journaliste, assigne en justice B, un directeur sportif, pour diffamation, se limitant à demander 1 € symbolique. B riposte en demandant 2.500 €, plus intérêts, pour dommages causés par le fait que A l'a assigné en justice (l'argent irait à une association caritative). B l'emporte en première instance, A fait appel et gagne. B recourt auprès de la CSJ et perd à nouveau.

L'extrait mentionné plus haut de l'arrêt est accompagné de la note suivante, qui se réfère aux formulations de la CEDH à propos de décisions impliquant le Portugal :


La liberté d'expression constitue un des fondements essentiels d'une société démocratique et une des conditions fondamentales pour le progrès et le développement de chacun. Hormis la réserve exprimée dans le par. 2, la liberté d'expression est applicable non seulement aux "informations" ou aux "idées" accueillies favorablement ou considérées comme inoffensives ou indifférentes, mais aussi à celles qui agressent, choquent ou perturbent. Il faut qu'il en soit ainsi en raison du pluralisme, de la tolérance et de l'ouverture d'esprit sans lesquels il n'y a pas de "société démocratique". Comme il est stipulé dans l'article 10, cette liberté est sujette à des exceptions qui doivent, cependant, être interprétées de manière restrictive, le besoin de restriction devant être démontré de façon convaincante. 
Ces principes sont d'une importance particulière pour la presse. Si celle-ci ne doit pas excéder les limites fixées, entre autres la protection de la réputation d'autrui, c'est sa mission de fournir des informations et des idées sur des sujets politiques et autres topiques d'intérêt général. Les limites de la critique permise sont plus larges lorsqu'il s'agit d'un homme politiqur, agissant en sa qualité de personnalité publique, que lorsqu'il s'agit d'un simple citoyen.


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Par ailleurs, on voit mal comment le droit de la partie intimée à bénéficier, à la suite de leur constitution comme arguidos, des garanties du procès pénal – le droit à une enquête juste et le droit à la liberté et à la sécurité inclus – pourrait être entamé par le contenu d'un livre qui, pour l'essentiel, décrit et interprète des faits faisant partie d'une enquête dont le contenu a été rendu public.

Rien n'empêche que, bien qu'ils n'aient pas été jugés suffisants pour susciter une accusation criminelle, de tels faits soient l'objet d'appréciations diverses, en particulier dans une œuvre à caractère littéraire.

Par conséquent, et parce qu'ainsi le veulent les droits consacrés nommément aux articles 37 et 38 de la Constitution, la publication en cause doit être considérée comme légitime.

La décision en appel a toutefois entendu que le premier (ici) appelant, Gonçalo Amaral, parce qu'il a coordonné l'enquête criminelle sur la disparition de Madeleine McCann jusqu'au 2/10/2007, restait, même après son départ à la retraite le 1/07/2008, sujet aux devoirs de silence et de retenue, régulièrement imposés aux fonctionnaires de la police judiciaire en exercice.

En de tels termes, et malgré les raisons personnelles invoquées dans le prologue du livre, l'appelant, en cas de collision avec les droits au bon nom et à la réputation de la partie intimée, ne jouirait pas, à propos des résultats de l'enquête, de l'ample et totale liberté d'expression, sa conduite étant jugée illicite selon l'article 484 du CC.

De ce que nous avons dit plus haut à ce sujet, il apparaît clairement que l'argumentation exposée ne vaut pas d'être examinée.

En effet, et indépendamment des raisons invoquées par l'appelant pour la publication, on comprendrait mal qu'un fonctionnaire, de surcroît à la retraite, perpétue les devoirs de silence et de retenue évoqués, limitant ainsi l'exercice de son droit à l'opinion quant à l'interprétation de faits déjà rendus publics par l'autorité judiciaire et amplement débattus (du reste en grande mesure à l'instigation des propres protagonistes) dans la communication sociale, nationale et étrangère.

En l'absence de la présupposition première de la décision en appel, force sera de conclure, contre elle, qu'aucune des demandes formulées par la partie ici intimée n'est admissible – demeurant sans effet la ré-appréciation de la matière des faits, subsidiairement requise.

Compte tenu de ce qui a été exposé plus haut, nous convenons, en accord avec les deux recours, de révoquer la décision en appel et, jugeant l'action contre eux non justifiée, d'acquitter les défendeurs-appelants de la totalité des demandes. 

Coûts des deux instances à la charge des requérants-partie intimée.


19.04.2016

Ferreira de Almeida, rapporteur
Catarina Manso, première adjointe
Alexandrina Branquinho, deuxième adjointe